La mer d’Arabie, longtemps perçue comme une zone secondaire en matière d’activité cyclonique par rapport à la baie du Bengale, attire de plus en plus l’attention des météorologues. Les données de l’India Meteorological Department (IMD) et de diverses études scientifiques révèlent un changement de tendance : les cyclones y sont non seulement plus nombreux, mais aussi plus intenses qu’auparavant.
Moins de cyclones que dans la baie du Bengale… historiquement
Le bassin océan Indien Nord se divise en deux théâtres principaux : la baie du Bengale à l’est et la mer d’Arabie à l’ouest. La comparaison est sans appel : près de 75 % des cyclones se forment dans la baie du Bengale, contre seulement 25 % dans la mer d’Arabie.
Entre 1990 et 2020, l’IMD a recensé 73 systèmes dans la mer d’Arabie, contre 190 dans la baie du Bengale. Ce déséquilibre s’explique par des conditions océaniques et atmosphériques généralement plus favorables à l’est (température de surface de la mer, humidité, cisaillement du vent).

Une activité en hausse depuis deux décennies
Si la mer d’Arabie produit moins de tempêtes, la donne évolue depuis le début des années 2000. Plusieurs études pointent une hausse de 50 % de la fréquence cyclonique dans la zone entre 2001 et 2019, comparée aux décennies précédentes.
Et ce n’est pas seulement une question de quantité : les systèmes observés sont également plus intenses et plus durables. Des épisodes marquants comme les cyclones Chapala (2015), Mekunu (2018) ou Tauktae (2021) témoignent de cette nouvelle dynamique.
Quand les cyclones choisissent leur moment
La saison cyclonique dans la mer d’Arabie comme dans la baie du Bengale n’est pas continue. On observe deux pics d’activité :
- mai-juin, avant la mousson,
- octobre-décembre, après la mousson.
C’est au cours de ces fenêtres que se produisent la majorité des tempêtes et cyclones dans le bassin Nord océan indien. Les dernières données de l’IMD confirment ce cycle bimodal, qui reste relativement stable au fil des décennies.
l’intensification rapide À LA LOUPE
Un autre signal préoccupant concerne l’intensification rapide (une hausse d’au moins 55 km/h des vents en 24 heures).
Parmi près de 200 cyclones étudiés entre 1982 et 2020, environ un sur cinq a connu des phases de renforcement brutale — une tendance plus marquée encore dans la mer d’Arabie que dans la baie du Bengale. Ce phénomène, favorisé par des eaux de surface plus chaudes et une structure concentrée des systèmes, rend la prévision et l’anticipation des impacts beaucoup plus complexes pour les autorités.
Des côtes vulnérables mais parfois épargnées
Contrairement à la baie du Bengale, où de nombreux cyclones frappent directement les littoraux d’Inde, du Bangladesh ou du Myanmar, les systèmes de la mer d’Arabie ont plus souvent tendance à se dissiper en mer.
Néanmoins, lorsque l’un d’eux atteint la côte, comme ce fut le cas pour Tauktae en 2021 sur le Gujarat, l’impact peut être dévastateur : vents violents, houle destructrice et pluies diluviennes.

Le cyclone tropical Tauktae en direction de l'état indien du Gujarat en mai 2025
Un futur sous surveillance
Avec la montée en température de l’océan Indien et les signaux du changement climatique, la communauté scientifique et l’IMD suivent de près l’évolution de l’activité cyclonique dans la mer d’Arabie. La région, jadis considérée comme “moins cyclonique”, pourrait bien devenir un nouveau foyer de systèmes intenses, posant des défis majeurs aux pays riverains : Inde, Pakistan, Oman, Yémen.